Mille colombes

Figures inspirantes


Bertha von Suttner : une femme d'action

 


 

Issue d’une grande famille aristocratique de Bohème, Bertha Sophie Felicitas Kinsky von Wchinitz und Tettau naît à Prague le 9 juin 1843. L’enfance de la jeune aristocrate est marquée par les affrontements entre la Prusse et l’Autriche qui conduisent à la guerre austro-prussienne de 1866. Elle reçoit néanmoins une éducation ouverte sur le monde et maîtrise plusieurs langues.

 

La bataille de Sadowa, toile de Georg Bleibtreu

 

Plus tard, confrontée à un revers de fortune, la jeune femme occupe un emploi de gouvernante à Vienne, dans la famille von Suttner, avant d’être envoyée à Paris. Elle y devient temporairement la secrétaire particulière d’Alfred Nobel avec qui elle conservera des liens d’amitié pendant toute sa vie.

À 33 ans, elle épouse secrètement Arthur Gundakkar von Suttner et le couple, confronté à l’opposition familiale, part se réfugier à Tbilissi. Tous deux vivent de travaux d’écriture et de traduction. C’est là que Bertha von Suttner commence sa carrière de journaliste sous le pseudonyme de B. Oulot.

De retour à Vienne en 1885, Bertha von Suttner poursuit son œuvre littéraire, désormais plus spécifiquement orientée sur le thème du pacifisme. À l’occasion d’une table ronde avec Ernest Renan, elle découvre l’International Arbitration and Peace Association. Elle est aussi influencée par les idées d’Henry Thomas Buckle, Herbert Spencer et Charles Darwin.

En 1889, elle publie « Die Waffen nieder! » Bas les armes!

Ce roman, qui décrit la guerre au travers du regard d’une femme, remporte un véritable succès et est traduit en douze langues.


 

Passant de l’écriture aux actes, elle crée avec son époux la « société de la paix de Venise », puis la Österreichische Gesellschaft der Friedensfreunde. En 1891, Bertha von Suttner est élue vice-présidente du Bureau international de la Paix et, en 1892, elle crée la Deutsche Friedensgesellschaft avec Alfred Hermann Fried.

En 1897, elle rédige une pétition demandant la création d’un tribunal d’arbitrage international, et en 1899, elle participe aux préparatifs de la première conférence de La Haye qui donnera naissance à la Cour permanente d’arbitrage de La Haye.

Après le décès de son époux, Bertha von Suttner participe à différentes manifestations, comme l’ouverture de l’Institut international de la Paix fondé à Monaco par Albert 1er et la Conférence internationale des Femmes de Berlin, puis se rend aux États-Unis où elle effectue une série de conférences et rencontre le président Théodore Roosevelt.

En 1906, elle sera la première femme à recevoir le prix Nobel de la Paix.

À partir de 1912, Bertha von Suttner n’a de cesse d’alerter sur les dangers du réarmement, les intérêts de l’industrie de l’armement et le risque d’une guerre internationale.

Après une deuxième série de conférences aux États-Unis, elle décède d’un cancer le 21 juin 1914.

La Première Guerre mondiale, dont elle avait pressenti le danger, éclatera quelques semaines plus tard.

En ce jour anniversaire, n'oublions pas de rendre hommage à cette femme d'action dont l'exemple continue à inspirer tous les amis de la Paix.


09/06/2023
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Henry David Thoreau

 

 

thoreau cabane

 

 

Henry David Thoreau (1817-1862)

 

 

 

Si l’on devait établir une liste d’écrivains pacifistes, Léon Tolstoï y figurerait sans doute en bonne place. Quant au concept de non-violence, il nous fait immanquablement penser à la marche pour le sel du Mahatma Mohandas Gandhi et à la lutte pour les droits civiques menée par Martin Luther king.

Mais connaissez-vous le dénominateur commun qui relie ces trois grands hommes ?

Tous trois ont puisé leur inspiration dans les écrits d’un penseur américain du 19e siècle : Henry David Thoreau.

 

Tel est en effet le nom sous lequel David Henry Thoreau (1817-1862) est passé à la postérité, après s’être octroyé la liberté d’inverser l’ordre de ses prénoms.

Henry David Thoreau est à la fois poète, philosophe, et naturaliste. Il naît le 12 juillet 1817 dans la petite ville de Concord (Massachusetts) où ses parents fonderont un peu plus tard une fabrique de crayons. À l’école, il suit un enseignement dans lequel les langues occupent une place privilégiée, puisqu’il apprend non seulement le latin et le grec, mais aussi plusieurs langues vivantes (français, italien, allemand, espagnol).

C’est à l’université d’Harvard, où il étudie des spécialités aussi diverses que la rhétorique, la philosophie, les sciences et le Nouveau Testament, qu’il se lie d’amitié avec Ralph Waldo Emerson (1803-1882). Il y rencontre aussi différents membres du Transcendental Club qui choisiront de s’installer eux aussi dans la petite ville de Concord.

 

Ses études terminées, il exerce brièvement le métier d’instituteur, mais démissionne, révolté par l’utilisation des châtiments corporels. Il décide alors d’ouvrir une école privée où il applique avec son frère les principes d’éducation progressistes qui lui tiennent à cœur (association des enfants à la discipline, activités d’éveil, promenades en forêt). C’est également à cette époque que Thoreau commence sa découverte de la nature sauvage, d’abord dans le Maine, puis le long des rivières Concord et Merrimack. En parallèle, il fait ses premiers pas dans le domaine littéraire. Essentiellement tourné vers la poésie, il écrit aussi divers articles pour la revue transcendentaliste et publie l’Histoire naturelle du Massachusetts.

À la fermeture de son école, Thoreau effectue un bref séjour à New York, puis rentre à Concord et intègre la fabrique de crayons familiale où il met en place différentes innovations.



L’immersion dans la nature

En 1844, se reprochant d’avoir été involontairement à l’origine d’un incendie, il décide de se retirer en pleine nature pour écrire et s’installe non loin de l’étang de Walden qu’il affectionne particulièrement. Pour concrétiser son idéal – gagner sa vie sans aliéner sa liberté –, il y construit une cabane en bois, et c’est le début d’une aventure de deux ans en totale autarcie qu’il relatera la plus célèbre de ses œuvres :

Walden ou la Vie dans les bois.

 

Walden pond

 

Cette expérience, qui rappelle certains aspects le vie de Jean-Jacques Rousseau, incarne surtout le concept de « sobriété volontaire », un mode vie basé sur une réduction intentionnelle de sa propre consommation qui marque une opposition à la société traditionnelle. Car comme Thoreau le dit lui-même : « Un homme est riche des choses dont il peut se passer ».



Le refus des injustices

En 1848, pour dénoncer l’intervention américaine au Mexique et l’immoralité d’un état dont la prospérité repose en partie sur le maintien de l’esclavage, Thoreau refuse de payer ses arriérés d’impôt. Sa dette étant finalement réglée par un proche, il n’est incarcéré qu’une journée.

Thoreau ne s’impose en effet qu’une seule règle : agir en fonction de ce qu’il estime être juste. À la suite de cet incident, il donne une conférence intitulée « Les droits et les devoirs de l'individu en relation avec le gouvernement » qui préfigurera l’écriture de l’ouvrage Résistance au gouvernement civil. Réintitulé après sa mort La Désobéissance civile, ce livre traite de l’emploi de la résistance passive comme moyen de protestation.

Thoreau avait déjà organisé une réunion antiesclavagiste dans sa cabane en 1846. En 1851, passant de la parole aux actes, il aide des esclaves à fuir le pays pour rejoindre le Canada.

En juillet 1854, dénonçant l’application de la Loi sur les Esclaves fugitifs qui permet aux un états antiesclavagistes d’extrader les esclaves qui s’y sont réfugiés, il donne une conférence intitulée L’esclavage dans le Massachusetts.

En 1858, il soutient publiquement l’abolitionniste John Brown qui a été arrêté pour avoir tenté d’organiser une insurrection. Lorsque celui-ci est exécuté, il rédige un éloge funèbre intitulé « Le Martyre de John Brown » et en donne la lecture dans plusieurs villes environnantes.



Une curiosité insatiable

Thoreau, qui a exercé les professions d’arpenteur et de géomètre expert, a pour habitude d’effectuer de longues promenades dans la nature. Dans son journal et dans différents carnets, il consigne de nombreuses observations sur la botanique, la faune et la flore des environs de Walden. Il s’en servira pour rédiger différents ouvrages comme Pommes Sauvages – un livre qui s’intéresse aux causes de la disparition de certaines variétés de pommes de la région de Concord – où encore La Succession des arbres en forêt, dans lequel il démontre que l’accroissement de la rentabilité des forêts n’est pas contradictoire avec la possibilité et la nécessité de les préserver.

Il est curieux de tous les phénomènes naturels – géologie, hydrologie, météorologie – dont il essaie de percer les mystères, mais sa connaissance des études de Linné et d’Humbolt le pousse à s’intéresser plus particulièrement à la botanique. Après avoir réalisé plusieurs expéditions dans la péninsule de Cape Cod et dans le Maine dont il est fasciné par la nature sauvage, il s’intéresse au Minnesota, à la région des Grands Lacs, à celles de Détroit, de Chicago, ou encore de Milwaukee, prenant une multitude de notes qui serviront à la réalisation d’un grand nombre de travaux publiés essentiellement après sa mort, survenue en 1862, comme Les Forêts du Maine (1864) ou Cape Cod (1865).

Ses récits de voyage conjuguent un regard empreint de poésie et une représentation idéalisée de la nature avec une approche scientifique caractérisée par l’exactitude des descriptions. Ils sont également l’expression d’une réflexion philosophique qui oppose les vertus de la nature aux pièges d’une société essentiellement basée sur la consommation. À ce titre, Thoreau peut donc être considéré comme l’inspirateur des différents courants écologistes.



Une source d’inspiration

Il est indéniable que les écrits de Thoreau ont connu un grand retentissement posthume. En France, Jean Giono est séduit par le concept de désobéissance civile et Romain Rolland envisage un moment de traduire les œuvres de Thoreau, sans pour autant mettre son projet à exécution. En Russie, Léon Tolstoï franchit le pas et traduit La désobéissance civile dans sa langue maternelle.

En Inde, Gandhi, dont la pratique de l’ascétisme est partiellement inspirée de la sobriété volontaire, met en pratique le concept de résistance passive dans son combat contre la domination britannique. Aux États-Unis, Martin Luther King y a également recours dans sa lutte pour les droits civiques.

Il n’est donc pas exagéré d’affirmer que les pensées de cet idéaliste aux multiples talents ont connu un retentissement international qui a favorisé l’apparition de divers courants, pacifistes, écologistes, minimalistes et non violents.



#pacifisme #nonviolence #écologie #antiesclavagisme #minimalisme


23/05/2022
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Le roi Ashoka

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Le roi Ashoka (304-232 av. J.-C.)

 

une surprenante métamorphose

du conquérant sans pitié

au souverain pacifique

 

 

 

 

 

Ashoka naît à Pataliputra (actuelle Patna) en 304 av. J.-C., dans la caste guerrière des Kshatriyas. C’est le 3e empereur de la dynastie des Maurya, fondée par son grand-père, Chandragupta 1er, dont la politique de conquête avait conduit à la création d’un vaste empire qui s’étendait sur la quasi-totalité du sous-continent indien et l’Afghanistan.

Chandragupta 1er abdique en faveur du père d’Ashoka, Bindusâra. Une fois au pouvoir, Bindusâra choisit ensuite Ashoka parmi ses nombreux fils pour assumer la fonction de vice-roi d’Ujjain. C’est aussi à lui qu’il fait appel pour mater une révolte à Taxila. Devenu vice-roi d’Ujjain et de Taxila, Ashoka découvre l’exercice du pouvoir.

 

Un souverain cruel

À la mort du roi Bindusâra, Ashoka, qui fait partie d’une nombreuse fratrie, n’hésite pas à faire éliminer tous ses frères et sœurs.

C’est ainsi qu’il accède au pouvoir en 273, mais pour des raisons mal connues, il n’est couronné roi du Magadha que quelques années plus tard, en 270 av. J.-C.

 

La guerre du Kalinga

Ashoka est maintenant à la tête d’un puissant empire qu’il gouverne en despote, faisant régner la terreur. Il dispose, d’une armée professionnelle qui compte, dit-on, 60 000 fantassins, 1 000 cavaliers, 700 éléphants, ainsi que d’une flotte de guerre.

En 261 av. J.-C., il décide de se lancer à la conquête du Kalinga, une région située sur la côte est du sous-continent. Cette guerre sera un véritable carnage : aux 100 000 victimes de la guerre s’ajoutent celles, tout aussi nombreuses, de la famine et des épidémies qui vont suivre.

Des fresques murales retrouvées dans des grottes de la région retracent de façon très évocatrice les atrocités perpétrées lors de ce conflit.

 

Une transformation radicale

Les courants de pensée jaïniste et bouddhiste occupent une place importante dans la société de l’époque, d’autant que le Bouddha Shakyamuni (le prince Siddhārtha Gautma) a aussi vécu au Magadha. Interpellé par les sages de ces deux religions, le souverain prend soudain conscience des conséquences de ses actes. Éprouvant de violents remords, il se retire pendant un an dans un monastère.

 

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Converti au bouddhisme, Ashoka prône la non-violence, devient végétarien, effectue des pèlerinages sur les lieux où avait vécu le Bouddha et fait de nombreux dons aux représentants des différentes religions (bouddhistes, jaïns, brahmanes). 

 

Sur une pierre du site d’Orissa, théâtre de la principale bataille, il fait graver un texte exprimant ses profonds regrets. Puis il constitue un corps de fonctionnaires à qui il confie la lourde tâche de tenter de réparer ses injustices.

 

Dorénavant conscient de la valeur de la vie, il prône le respect et la bienveillance envers tous les êtres vivants : humains et animaux. Il fait construire des hôpitaux pour les hommes et des asiles pour les bêtes malades, ordonne la culture des plantes médicinales, fait entretenir les routes et protéger les forêts…

 

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Désormais intéressé par la seule « conquête de la vertu », il fait construire plus de 80 000 stupas, encourage la propagation du bouddhisme et fait graver des édits pour proclamer son idéal de paix et de tolérance aux quatre coins de l’empire.

Pendant toute la suite de son règne, l’Inde connaîtra une période de paix, de prospérité et de développement culturel.

 

Celui que les bouddhistes appellent le roi Ashoka apporte la preuve qu’un même homme est non seulement capable du pire, mais aussi du meilleur. Il nous incite à ne pas nous focaliser uniquement sur le négatif, aussi horrible soit-il, mais à considérer le positif qui existe en chaque personne, et à penser qu’une solution pacifique est toujours possible.

 

 

 

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12/05/2022
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